L'incidence des cas d'infertilité a doublé au Canada depuis le début des années 1980 et aujourd'hui, plus de 15 pour cent des couples canadiens, soit un sur six, ont des difficultés à avoir un enfant.Note de bas de page 1 Les chercheurs ont recensé un certain nombre de facteurs liés à cette tendance, l'exposition à des substances toxiques qui se trouvent dans l'environnement faisant partie des plus importants.Note de bas de page 2
À la Direction des aliments de Santé Canada à Ottawa, où elle se concentre sur les études de toxicité liées au développement et à l'appareil reproducteur, Anne‑Marie Gannon (Ph. D.) explique que nous pouvons être exposés à ces produits chimiques toxiques de plusieurs manières, notamment par l'intermédiaire de l'air, de l'eau, du sol et des aliments.
« Dans mon laboratoire, nous nous intéressons en particulier aux produits chimiques qualifiés de perturbateurs endocriniens, explique Mme Gannon. Ces produits chimiques peuvent engendrer des effets négatifs sur la fertilité en interférant entre autres avec les processus hormonaux et les fonctions ovariennes. »
Symptômes invisibles
Mme Gannon supervise un projet de recherche qui tente de trouver le moyen de détecter de manière précoce chez les femmes une éventuelle altération de la fertilité due à des produits chimiques toxiques, avant que les dommages infligés aux systèmes reproducteurs deviennent irréversibles. Ces travaux sont financés dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG).
« Le problème vient du fait que les dommages engendrés par des produits chimiques peuvent se produire sans engendrer un quelconque symptôme sur plusieurs années, explique Mme Gannon. Il n'y a aucun symptôme visible et lorsque les fonctions ovariennes sont suffisamment affectées afin que le problème soit détectable par les outils de détection actuels, il se peut qu'il soit trop tard pour qu'une intervention puisse y remédier. »
La génomique permet de réexaminer les anciens travaux de recherche
Mme Gannon et ses collègues de Santé Canada — Genevieve Bondy (Ph. D.), Ivan Curran (Ph. D.) et Santokh Gill (Ph. D.) — mettent en œuvre des technologies de pointe en génomique pour analyser les échantillons de tissus et de sang qui ont été conservés dans le cadre de tests sur des animaux effectués dans le passé.
« Nous cherchons à détecter des variations de concentration des biomarqueurs génomiques qui sont en corrélation avec la toxicité ovarienne induite chimiquement, telle que mise en évidence lors des tests traditionnels effectués sur ces animaux, explique Mme Gannon. L'objectif est d'identifier un certain nombre de ces biomarqueurs de manière à ce que dans l'avenir, une méthode puisse être mise au point pour analyser plusieurs de ces marqueurs dans les échantillons et déterminer s'ils ont été affectés d'une manière qui reflèterait une exposition à des produits dont la toxicité est connue. »
Un potentiel très intéressant
Même si ce projet n'en est qu'à ses débuts et qu'il faut établir la pertinence pour la santé humaine de ces résultats dérivés d'un modèle animal, Mme Gannon est persuadée que ces travaux de recherche financés par l'IRDG permettront d'avancer à grands pas vers la mise au point d'un test sanguin fiable capable de détecter précocement une détérioration de la fertilité induite par des produits toxiques, à un stade où des mesures pourront encore être prises pour atténuer les risques de dommages permanents.
« Au-delà des effets considérables que l'infertilité engendre sur les plans physique et émotionnel, une telle affection peut aussi être associée à d'importantes dépenses pour ceux qui décident de faire appel à des solutions telles que la fécondation in vitro, continue Mme Gannon. La détection précoce de ces problèmes pourrait jouer un rôle considérable pour la réduction de leurs impacts et un test sanguin simple contribuerait à améliorer de manière spectaculaire l'approche actuelle basée sur des tests de détection très invasifs lorsque des produits toxiques présents dans l'environnement sont suspectés. »
Amélioration de la santé publique
Des articles dans diverses revues et des présentations offertes à plusieurs conférences scientifiques ont permis aux travaux de Mme Gannon, financés dans le cadre de l'IRDG, d'attirer l'attention de chercheurs étrangers, notamment Jodi Flaws (Ph. D.), professeure de biosciences comparatives et directrice du Reproductive Toxicology Laboratory (Laboratoire de toxicologie de la reproduction) de l'Université de l'Illinois.
« L'importance des travaux de Mme Gannon et de son équipe ne fait aucun doute, tout comme l'importance d'un financement public pour ces travaux, comme le fait l'IRDG, reconnaît Mme Flaws. L'infertilité est un problème de santé publique majeur et nous sommes par ailleurs quotidiennement exposés à ces produits chimiques. L'identification de marqueurs liés à l'infertilité ouvre la porte à la détection précoce qui permettra de réduire l'exposition ou d'entreprendre des traitements en vue d'éviter l'infertilité. Nous serons également mieux à même de surveiller et de prévoir les effets d'une exposition à certains produits toxiques en termes d'infertilité. »