Les travaux de recherche financés dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada sont une source de bonnes nouvelles pour les producteurs et consommateurs de bœuf en ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens. En effet, Tim McAllister (Ph.D.), chercheur scientifique principal au Centre de recherche et de développement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, à Lethbridge, en Alberta, affirme que, jusqu'à présent, lui et son équipe n'ont rien trouvé pour indiquer une transmissibilité de la résistance aux antimicrobiens des bovins de boucherie à l'humain.
Un risque commun
« La résistance aux antimicrobiens est une vive préoccupation pour la santé animale et humaine, et une partie de la réponse à cette préoccupation consiste à comprendre s'il existe des liens entre les deux, rapporte le chercheur. Donc, en ce qui concerne les bovins de boucherie, au moins, cela est une découverte importante. »
Tim McAllister fait partie de la vingtaine de scientifiques de 5 ministères et organismes fédéraux, qui mènent des projets de recherche interdépendants en vue de déterminer si l'utilisation d'antibiotiques dans les industries bovine, porcine et avicole augmente le risque de la résistance aux antimicrobiens chez l'humain — et, le cas échéant, quelles mesures peuvent être prises pour réduire ce risque. Le projet quinquennal sur la résistance aux antimicrobiens de l'IRDG, lancé en 2016, est un élément majeur du Plan d'action fédéral sur la résistance et le recours aux antimicrobiens au Canada.
La résistance aux antimicrobiens n'a pas de frontières
« La résistance aux antimicrobiens est une vive préoccupation pour la santé animale et humaine, et une partie de la réponse à cette préoccupation consiste à comprendre s'il existe des liens entre les deux, rapporte le chercheur. Donc, en ce qui concerne les bovins de boucherie, au moins, cela est une découverte importante. »
En se concentrant ses efforts sur l'industrie du bœuf, M. McAllister collabore avec des chercheurs des autres ministères participants à l'adoption d'une approche « Une santé » dans ce dossier. « Essentiellement, il s'agit simplement de reconnaître qu'il n'y a pas de frontières lorsqu'il est question de la résistance aux antimicrobiens, indique‑t‑il. Les bactéries résistantes aux antimicrobiens peuvent se trouver chez les humains, chez les animaux et dans l'environnement, et elles peuvent se propager de l'une à l'autre. C'est pourquoi, dans le cadre de nos recherches, nous examinons les bactéries provenant de personnes traitées pour des infections dans les hôpitaux, de bovins dans les parcs d'engraissement, de cours d'eau, d'usines de transformation et traitement des eaux usées et d'ailleurs pour voir non seulement où la résistance se trouve et de quel type il s'agit, mais aussi s'il y a un lien entre les uns et les autres. »
Le soutien de l'IRDG est un élément clé des progrès réalisés dans ce dossier
Le chercheur n'hésite pas à reconnaître que c'est l'IRDG qui a rendu possible cette recherche. « Nous disposons maintenant de technologies comme le séquençage du génome entier qui nous permettent d'obtenir tellement plus de données des bactéries que nous étudions, y compris l'identification des gènes individuels qui fournissent la résistance à la bactérie, dit‑il. L'IRDG a également renforcé la collaboration entre les ministères. Nous appliquons dans notre programme des outils de recherche qui n'auraient pas été possibles sans la participation de l'Agence de la santé publique du Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, de Santé Canada et du Conseil national de recherches du Canada. »
Des résultats qui surprennent
« Nous n'avons ménagé aucun effort pour établir le lien entre la résistance aux antimicrobiens et la transmission du bœuf à l'humain, sans rien trouver, toutefois. »
À l'aide des données moléculaires très détaillées qui peuvent être acquises par la technologie de séquençage du génome entier, l'équipe du M. McAllister a déterminé que les bactéries entérocoquestrouvées chez les bovins et celles qui représentent une menace sérieuse pour la santé humaine — que l'on croyait depuis longtemps être les mêmes — sont en fait des espèces de bactéries complètement différentes. « Nous avons également découvert que les gènes responsables de la résistance aux antimicrobiens dans les bactéries entérocoques retrouvées chez l'humain sont associés à des antibiotiques qui ne sont jamais utilisés chez les bovins — autrement dit, il devient clair que la résistance aux antibiotiques chez les bovins est le résultat d'antibiotiques utilisés chez les bovins et que la résistance aux antibiotiques dans les bactéries entérocoques retrouvées chez l'humain est le résultat d'antibiotiques utilisés chez l'humain. »
Du même coup, il ajoute qu'il ne faut jamais dire jamais. « En effet, il y a des milliards de cellules et celles‑ci sont des maîtres de l'adaptation, donc il y a toujours une chance, mentionne‑t‑il. Nous n'avons ménagé aucun effort pour établir le lien entre la résistance aux antimicrobiens et la transmission du bœuf à l'humain, sans rien trouver toutefois. Cela dit, nous ne pouvons pas exclure qu'il soit possible d'en trouver à l'avenir. Les chances que cela se produise, même si très, très faibles, ne sont pas nulles. »
L'industrie accueille favorablement « cette étape importante »
Au Conseil de recherches sur les bovins de boucherie (Beef Cattle Research Council), le directeur scientifique, Reynold Bergen (Ph.D.), affirme que la recherche de M. McAllister représente une importante contribution à l'élaboration de politiques et de règlements scientifiques sur l'utilisation des antimicrobiens dans la production alimentaire.
« La résistance aux antimicrobiens est une préoccupation majeure pour la population et pour l'industrie du bœuf, et l'industrie mène des travaux de recherche dans ce domaine depuis plus de 20 ans, mentionne M. Bergen. Nous avons besoin d'antimicrobiens efficaces pour soigner aussi bien les gens que les bovins lorsqu'ils tombent malades. La recherche de M. McAllister constitue un important pas en avant, puisqu'elle n'a pas pu prouver que la résistance aux antimicrobiens est transmissible du bétail à l'humain, ou vice versa, et qu'elle nous permet d'apporter une nouvelle orientation à nos recherches en considérant que la résistance chez l'humain et celle chez le bétail sont deux questions distinctes, même si nous devons continuer à utiliser les antimicrobiens de façon responsable en médecine humaine et en production bovine. »