Bien que l'on ne la considère pas comme la reine des légumes, la pomme de terre possède en fait les traits d'une grande vedette, en particulier dans ce pays. Elle fait en effet l'objet de la plus importante culture au Canada, générant quelque 1,3 milliard de dollars de revenus annuels.
Le Canada est également un acteur de premier plan sur les marchés internationaux, avec des exportations de pommes de terre et de produits à base de pommes de terre (par exemple, frites congelées) qui ont généré près de 2 milliards de dollars lors de la saison 2019-2020.Note de bas de page 1
Il s'agit donc d'un secteur très porteur, et les nouveaux travaux de recherche financés dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada ont pour vocation d'assurer sa pérennité.
Les nouvelles variétés offrent des avantages, mais ne sont pas dénuées de risques
Pour maintenir et étendre leurs affaires, les producteurs canadiens de pommes de terre cherchent en permanence de nouvelles variétés susceptibles d'offrir des rendements supérieurs, une résistance accrue à la sécheresse et aux maladies ainsi que les formes et la texture régulières prisés par les fabricants de frites et d'autres produits.
Huimin Xu (Ph. D.), chercheur à l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), note cependant que les avantages potentiels des nouvelles variétés importées s'accompagnent du risque d'importer avec elles des maladies capables de détruire toute une récolte et la réputation que le Canada s'est forgée d'exportateur de pommes de terre dénuées de maladie.
« Il s'agit de l'une de nos principales responsabilités ici, dans les laboratoires de l'ACIA à Charlottetown, explique M. Xu. Nous supervisons et organisons le Programme de mise en quarantaine des pommes de terre qui entrent au Canada, un programme mis en place par l'ACIA dans le cadre duquel tout matériel génétique issu de pommes de terre provenant d'un autre pays doit être mis en quarantaine et soumis à des analyses sanitaires avant de pouvoir être exploité au Canada. Nous examinons également les pommes de terre destinées à l'exportation pour faire en sorte qu'elles soient conformes aux règlementations d'importation des pays destinataires. Ce faisant, nous assumons les responsabilités et les engagements du gouvernement du Canada à l'égard de la communauté internationale pour ce qui est de la prévention de la propagation des ravageurs de la pomme de terre. »
Un processus chronophage
Peter Volney, spécialiste des programmes à la direction générale de l'ACIA à Ottawa, explique que le programme de mise en quarantaine après entrée sur le territoire canadien est une étape essentielle pour la protection de l'industrie canadienne de la pomme de terre, mais qu'il peut constituer un goulet d'étranglement pour les producteurs qui s'efforcent d'introduire de nouvelles variétés dans leurs champs.
« Il existe plus de 50 agents pathogènes capables d'infecter les pommes de terre, détaille M. Volney. Pour le moment, seule une douzaine d'entre eux environ peuvent être détectés à l'aide des tests utilisés en laboratoire. Pour les autres, il faut cultiver des spécimens de 17 espèces indicatrices de plantes à partir de graines, les inoculer avec de la sève provenant du plant de pommes de terre importé, et attendre pour voir si l'un d'entre eux développe des symptômes indiquant une maladie. C'est à la fois chronophage et exigeant en main-d'œuvre. Il faut parfois attendre des mois avant d'obtenir un résultat. »
Plus rapide, moins cher
Mais il s'agit de la situation « actuelle ». Grâce à l'application de technologies génomiques de pointe financée dans le cadre de l'IRDG, M. Xu a mis au point un nouveau protocole de test qui permet de détecter les acides nucléiques de tous les virus et viroïdes susceptibles d'être présents à l'intérieur d'un échantillon de plante en seulement 24 heures et qui nécessite donc moins de personnel, moins de temps et moins de dépenses que n'importe quels autres tests actuellement disponibles. De plus, le test peut être appliqué à divers tissus végétaux allant des feuilles aux graines.
« Une fois que nous avons les acides nucléiques de tous les virus et viroïdes présents dans l'échantillon, il est relativement simple de les comparer aux séquences des virus et des viroïdes connus pour déterminer si la plante en question est porteuse ou non d'une maladie, continue M. Xu. C'est plus rapide et plus économique. Et en plus, les résultats sont très fiables. »
La détection des séquences de virus et des viroïdes dans l'échantillon de plante n'est qu'une des étapes du procédé. Il faut pouvoir les comparer à des références pour être en mesure d'identifier précisément les virus et les viroïdes en question. M. Xu a collaboré avec des chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et de l'Université de Guelph ainsi que des scientifiques des États-Unis, du Royaume-Uni et des Pays-Bas, entre autres, pour créer une bibliothèque de souches et d'isolats à partir d'une vaste gamme de virus et de viroïdes de la pomme de terre identifiés et caractérisés par divers laboratoires du monde entier. Cette collaboration ouvre la voie à l’acceptation internationale future de ces méthodes de test innovantes.
La polyvalence du procédé rentabilise l'investissement de l'IRDG
Ses travaux de recherche financés par l'IRDG lui ont permis de montrer qu'il était possible d'appliquer le test génomique de pointe qu'il a mis au point pour détecter et identifier les virus et viroïdes de la pomme de terre à d'autres espèces végétales. Ce test a d'ailleurs déjà été utilisé avec succès pour le dépistage de maladies virales et viroïdes chez les tomates et les poivrons, et elle est maintenant couramment utilisée dans le laboratoire de Charlottetown de l'ACIA pour détecter les virus et les viroïdes chez ces espèces végétales à des fins de contrôle des importations et de certification des exportations.