Les rayonnements ionisants possèdent suffisamment d'énergie pour arracher les électrons fortement liés aux atomes en « ionisant » ainsi ces derniers. Ce type de rayonnement est aussi suffisamment énergétique pour induire dans les cellules vivantes des changements qui peuvent avoir des répercussions à long terme sur la santé. Bien que cela rende les rayonnements ionisants utiles dans certaines applications médicales — comme le traitement du cancer —, ils peuvent également avoir des effets négatifs, et il existe des directives et des règlements détaillés pour protéger les Canadiennes et Canadiens contre des niveaux dangereux d'exposition aux rayonnements ionisants.
Au Canada et dans les autres pays, les lignes directrices actuelles sur l'exposition aux rayonnements ionisants sont basées sur l'étude des effets des rayonnements émis lors de l'explosion d'une arme nucléaire, c'est-à-dire qu'à partir des impacts observés après une exposition généralement brève et très intense, on estime les risques associés à une exposition à d'autres niveaux de rayonnement. Nous manquons donc en fait de données concernant les effets réels des faibles doses de rayonnement ionisant sur la santé humaine.
Avec le soutien financier accordé dans le cadre de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada, Vinita Chauhan (Ph. D.), chercheuse au Bureau de la protection contre les rayonnements des produits cliniques et de consommation de Santé Canada, dirige un projet de recherche qui vise à combler les lacunes dans ce domaine en générant de nouvelles données sur les effets biologiques de l'exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants.
Exposition chronique à de faibles doses
« Ce problème est important lorsque l'on considère une source de rayonnements ionisants telle que le radon, qui peut provoquer un cancer des poumons, explique Mme Chauhan. Contrairement aux sources de rayonnements ionisants artificielles, telles que celles utilisées pour la production d'énergie nucléaire ou dans les appareils médicaux, le radon est présent naturellement dans l'environnement. En fait, le radon est présent à l'état de gaz en plus ou moins grande concentration dans l'air intérieur de toutes les habitations au Canada et on ne connaît pas précisément les effets sanitaires à long terme qu'engendre l'exposition à ce gaz. »
« Chez la plupart des personnes, l'organisme est capable de réparer les éventuels dommages causés par une très faible dose occasionnelle de rayonnement, mais les effets d'une exposition chronique à de faibles doses demeurent mal connus. Existe-t-il des seuils d'exposition au-delà desquels il faut s'attendre à des effets biologiques importants? »
Certains gènes et certaines protéines peuvent servir de marqueurs précoces d'une exposition
Pour répondre à cette question, Mme Chauhan et son équipe s'efforcent de déterminer les tout premiers effets d'une exposition à une faible dose de rayonnement à l'échelle moléculaire à l'aide de technologies génomiques qui leur permettent de mettre en évidence les premières modifications que subissent des gènes et des protéines.
« En identifiant un certain nombre de marqueurs associés à des gènes ou à des protéines et en observant la manière dont ils répondent à différentes doses de rayonnement, nous pouvons commencer à établir des relations dose-effets grâce à la modélisation des seuils. Nous pouvons ensuite utiliser ces connaissances pour déterminer de manière plus précise les seuils au-delà desquels les expositions aux rayonnements ionisants entraîneront l'activation de voies génétiques susceptibles d'engendrer des effets négatifs. »
Collaboration dans le cadre de l'IRDG pour accélérer les progrès
Mme Chauhan (Ph. D.), avec ses collègues Baki Sadi (Ph. D.) et Ruth Wilkins (Ph. D.) à Santé Canada et ses collaborateurs – Premkumari Kumarathasan (Ph. D.) à Santé Canada, Sue Twine (Ph. D.) au Conseil national de recherches du Canada, Carole Yauk (Ph. D.) à l'Université d'Ottawa et Laura Bannister (Ph. D.) aux Laboratoires Nucléaires Canadiens — travaille sur trois sous-projets simultanément.
Le premier consiste à passer en revue les études génomiques dans le cadre desquelles ont été évalués les effets de différentes doses et de différents types de rayonnements pour voir à partir de quel seuil les marqueurs ont été activés dans divers scénarios d'exposition. Le deuxième sous-projet consiste à exposer des échantillons de sang humain à différents niveaux de rayonnement ionisant pour déterminer le seuil à partir duquel les marqueurs (gènes ou protéine) sont activés.
Le troisième sous-projet consiste également à déterminer les seuils d'activation des gènes ou des protéines qui servent de marqueurs, mais chez des animaux de laboratoire qui ont été exposés à de très faibles doses de rayonnements émis par un échantillon d'uranium.
Amélioration de la santé et de la sécurité
Mme Chauhan est aussi membre de l'Organisation canadienne sur les effets de l'exposition au rayonnement sur la santé (OCEERS), l'organisme à la tête de l'initiative conjointe entre Santé Canada et la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), pour l'étude des impacts sanitaires potentiels d'une exposition à de faibles doses de rayonnement.
Kiza Sauvé, directrice de la Division des sciences de la santé et de la conformité environnementale à la CCSN, explique que les travaux de recherche menés par Mme Chauhan offrent une contribution très opportune à l'étude des effets des faibles doses de rayonnement.
« La plupart de nos connaissances concernant les effets des faibles doses de rayonnement ionisant sur la santé sont basées sur l'hypothèse que la relation dose-effets est linéaire, explique Mme Sauvé. Or si les effets de fortes doses sont bien connus, le risque sanitaire provient d'une exposition à de faibles doses sur les sites que nous réglementons. Donc plus nous en saurons sur les effets spécifiques des faibles doses de rayonnements, plus nous pourrons être confiants dans les seuils de sécurité que nous fixerons en matière d'exposition. »