De nouveaux traitements contre le cancer révèlent les avantages durables des investissements en génomique

- Ottawa

Qu'il s'agisse de nouveaux moyens pour se prémunir contre les toxi-infections alimentaires ou d'un traitement plus efficace pour le VIH, en investissant dans l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG), le gouvernement canadien continue d'améliorer la santé de la population canadienne. Au nombre de ces retombées figure l'élaboration de plusieurs traitements prometteurs contre le cancer, sous la direction des scientifiques du Conseil national de recherches du Canada (CNRC).

Les fonds se sont taris, mais la récolte se poursuit

Bien qu'ils aient pris fin, les investissements de l'IRDG, plusieurs années durant, soit à partir de 1999, ont permis au Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine du CNRC d'acquérir les capacités voulues pour chercher de nouveaux moyens susceptibles de détruire les cellules cancéreuses à l'échelle moléculaire par la génomique, la protéomique et la bio-informatique. Et ces investissements continuent de porter leur fruit.

Ainsi, le CNRC a récemment coopéré avec l'entreprise montréalaise Forbius (Formation Biologics) pour faire progresser le développement d'un nouveau médicament qui s'inspire d'une découverte du Conseil. Baptisé AVID200, le médicament s'attaque au facteur de croissance transformant bêta (TGFβ) — une protéine sécrétée par les cellules cancéreuses qui aide la maladie à s'étendre en « dissimulant » la tumeur au système immun.

Qui dit partenariat, dit développement plus rapide

La structure moléculaire de l'AVID200 a fait la une de Molecular Cancer Therapeutics, périodique de l'American Association for Cancer Research.

En 2016, peu après la découverte du futur AVID200, le CNRC a conclu une entente avec Forbius afin que l'on sélectionne le médicament le plus prometteur et que l'on en accélère le développement clinique. L'entente de codéveloppement marquait le début de ce que Maureen O'Connor-McCourt (Ph. D.), directrice de la recherche scientifique chez Forbius, appelle « l'étroite collaboration entre l'entreprise et le CNRC » qui a débouché sur la première phase des essais cliniques de l'AVID200, trois ans plus tard.

Au Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine du CNRC, la gestionnaire de projet Karine Khougaz (Ph. D.) estime que ce partenariat a permis au médicament de progresser avec une rapidité impressionnante. « Passer du choix du candidat le plus intéressant à l'essai d'un nouveau médicament sur des humains en 2 ans à peine est une véritable prouesse », affirme-t-elle.

Martin Plante (Ph. D.), agent de recherches au CNRC et chef du projet, abonde dans le même sens : « On ne peut nier l'importance d'une telle réalisation. Elle en dit beaucoup sur le savoir-faire et la détermination des gens des nombreuses équipes qui ont participé au projet, au CNRC. »

Une approche inédite

Selon Mme O'Connor-McCourt, l'AVID200, qui agit comme un « piège à TGF », diffère des autres médicaments qui entravent le fonctionnement du TGFβ en ce sens qu'il cible spécifiquement deux isoformes cancérigènes de ce facteur (le TGFβ-1 et le TGFβ-3) sans nuire au TGFβ 2, qui aide le cœur à fonctionner normalement.

Cancers à tumeur solide mis à part, elle précise que l'AVID200 augure bien pour la lutte contre la myélofibrose, une forme rare de cancer des os, et la sclérodermie, maladie auto-immune peu courante. Les essais cliniques qui en détermineront l'innocuité et l'efficacité dans le traitement de ces maladies sont en cours.

Un succès après l'autre

L'AVID200 n'est qu'un succès parmi plusieurs autres directement attribuables aux investissements de l'IRDG. Avant cette récente collaboration, par exemple, Forbius et le CNRC s'étaient associés pour mettre au point l'AVID100, autre découverte du CNRC aux possibilités non négligeables dans le traitement des formes particulièrement agressives de cancer, comme celles qui envahissent le poumon, la tête ou la nuque, et le cancer du sein triple négatif. Les essais cliniques de la phase 2 sur l'AVID100 se poursuivent au Canada et aux É.-U.

Par ailleurs, au début des années 2000, des chercheurs du CNRC avaient cerné un anticorps qui prend pour cible le cancer pulmonaire, mais pas celui à petites cellules, sa forme la plus courante. Bien que l'anticorps en question ne détruise pas les cellules cancéreuses, on peut s'en servir pour acheminer un médicament au cœur de la tumeur et ainsi accroître l'efficacité du traitement. Cédé sous licence à la société Helix BioPharma de Richmond Hill, en Ontario, un nouveau médicament qui s'appuie sur cette découverte du CNRC en est aux essais cliniques qui en établiront l'efficacité dans le traitement du cancer pulmonaire non à petites cellules et la forme avancée du cancer du pancréas.

Alethia Biotherapeutics, autre entreprise canadienne (de Montréal celle-là), se prépare à entamer les essais cliniques de la phase 2 sur un autre traitement potentiel contre le cancer, reposant lui aussi sur une découverte du CNRC. Dans ce cas, il s'agit d'une famille d'anticorps qui bloque le fonctionnement de la clustérine, une protéine favorisant la métastase des cellules cancéreuses (leur dissémination dans d'autres parties de l'organisme)Note de bas de page 1.

Un héritage durable

Bien que l'IRDG ait cessé de financer le projet du CNRC sur le cancer en 2012, Vincent Dodelet (Ph. D.) — gestionnaire du programme au Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine — estime que les capacités en génomique engendrées par cet investissement permettront aux Canadiens d'en tirer des avantages de nombreuses années encore.