« La vitesse tue », clame-t-on souvent. C'est pourtant le contraire qui se produit lorsqu'il est question d'alimentation et de salubrité. Comme l'explique Burton Blais, chef de la section de recherche et de développement aux laboratoires de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), à Ottawa, « plus vite un contaminant potentiellement dangereux est décelé dans un aliment et plus rapidement on en établira l'origine, la population sera prévenue et l'on adoptera des mesures pour empêcher une plus grande contamination. En rappelant les produits, par exemple. »
Épaulés par l'équipe que pilote Teodor Veres au Conseil national de recherches du Canada (CNRC), M. Blais et ses coéquipiers de l'ACIA ont inventé un dispositif qui identifie en à peine vingt minutes une des bactéries les plus dangereuses susceptibles de s'attaquer aux approvisionnements d'aliments : la souche O157:H7 d'Escherichia coli.
La nouvelle méthode est une amélioration draconienne par rapport au test actuel, dont on n'obtient les résultats qu'un jour après la préparation de l'échantillon. La technique élaborée par les deux équipes présente un autre avantage non négligeable : elle s'adapte facilement pour dépister d'autres bactéries ou virus, voire des allergènes dans les produits alimentaires.
Plus rapide et moins cher
En recourant à une technique inédite combinant microfluidique et automatisation, le nouveau procédé s'avère aussi meilleur marché. Selon M. Veres, chef du groupe des nanomatériaux fonctionnels à la Division des sciences de la vie du CNRC, « le test existant traverse plusieurs étapes qui exigent de nombreuses manipulations par le technicien. Il est donc très laborieux. Le dispositif que nous avons créé supprime la majeure partie de ce travail manuel. En outre, le recours à la microfluidique signifie qu'on utilise des microlitres et non plus des millilitres de composés chimiques, ce qui allège considérablement le coût de l'épreuve. »
Fonctionnement
Le test actuel repose sur la méthode CHAS, acronyme signifiant « hybridation de puce à ADN sur tissu ». Le laborantin trempe une bandelette en polyester spécialement traitée dans différents composés qui détectent l'ADN de la bactérie et les amplifient. La version automatisée de la CHAS, articulée sur la microfluidique, ou mCHAS comporte deux principaux éléments.
Le premier est une « puce » en plastique d'environ dix centimètres de longueur et cinq centimètres de largeur. De petites indentations sur la plaquette font office de réservoirs aux liquides nécessaires au test. Des canalicules acheminent les réactifs en direction ou en provenance du bout de tissu situé au centre du rectangle de plastique.
Le deuxième élément est une centrifugeuse commandée par ordinateur qui, non seulement, fait tourner la puce, mais la fait pivoter dans l'appareil pour en changer l'orientation à des moments précis. En modifiant la direction de la force centrifuge qui s'exerce sur la plaquette, l'appareil achemine les divers liquides de leur réservoir au morceau de polyester situé au centre, au moment adéquat et dans l'ordre voulu. S'ensuit un test d'une précision et d'une uniformité irréalisables manuellement. Qui plus est, plusieurs puces peuvent être empilées l'une par-dessus l'autre, ce qui permet l'essai simultané de huit échantillons.
Miser sur le progrès
M. Veres comme M. Blais s'empressent de souligner que pareille réalisation aurait été impossible sans les efforts de leurs collègues qui ont perfectionné la génomique de l'épreuve CHAS permettant de dépister E. coli au départ.
« Le test CHAS était en soi un important bond en avant », déclare M. Bais. « Avant lui, il fallait plusieurs jours pour identifier hors de tout doute E. coli par les techniques classiques. La CHAS a réduit ce laps de temps à une journée. »
Partenariats novateurs, réalisations novatrices
À l'instar du projet dirigé par MM. Blais et Veres, les recherches qui ont abouti à la création du test CHAS ont été subventionnées par le gouvernement du Canada dans le cadre du projet sur la salubrité des aliments et de l'eau, volet de l'Initiative de recherche et de développement en génomique (IRDG). Six ministères à vocation scientifique fédéraux y ont collaboré dans l'espoir de résoudre les principaux problèmes qui hantent la salubrité de l'eau et des aliments par la génomique.
Le financement de telles recherches a beau être indispensable, M. Veres précise que l'argent n'est pas tout. « L'IRDG a rapproché les chercheurs de différents ministères et leur a permis de combiner leur savoir-faire, dit-il. Ainsi, la biologiste Nathalie Corneau, de Santé Canada, et son équipe avaient joué un rôle capital dans la création du test actuel, et nous nous sommes fiés à son talent pour aller plus loin. À mon avis, pareille collaboration aurait été impensable sans l'IRDG. »
Autres avantages que la salubrité des aliments
Le nouveau dispositif a été breveté. Cette technologie ayant suscité de l'intérêt tant au Canada qu'à l'étranger, une entreprise canadienne a obtenu l'autorisation de le fabriquer sous licence, puis de le commercialiser.