Si vous êtes amateur d'huîtres crues, vous faites peut-être partie des dizaines de Canadiennes et Canadiens malchanceux qui ont déjà eu maille à partir avec le Vibrio parahaemolyticus au cours des quelque 25 dernières années.
Le V. parahaemolyticus est une bactérie qui peut s'accumuler dans les tissus des mollusques et que l'on désigne communément sous le nom de « bactérie Vp ». Il peut causer une gastroentérite très désagréable et potentiellement dangereuse chez les personnes qui consomment des fruits de mer crus ou mal cuits. Cette maladie est le plus souvent associée aux huîtres, puisque ces mollusques sont souvent consommés crus.
Bienvenue au Canada
La bactérie Vp affectionne les eaux plus chaudes et est donc plutôt rare au Canada. La première épidémie de gastroentérite causée à cette bactérie au Canada a été signalée en Colombie-Britannique, à la fin des années 1990. Cependant, avec le réchauffement des océans, la population et l'aire de répartition de la bactérie Vp s'étendent et, dans certaines régions du Canada, elle est maintenant devenue la cause la plus courante d'intoxications alimentaires associées aux fruits de mer. Plusieurs épidémies ont été signalées depuis les années 1990, ce qui a obligé les autorités à publier des mises en garde qui ont eu des répercussions importantes sur l'industrie des mollusques et crustacés.
Les organismes de réglementation, en étroite collaboration avec les producteurs et les transformateurs de mollusques, continuent d'améliorer les programmes pour réduire les risques associés à la consommation de mollusques crus.
Combler les lacunes des connaissances pour améliorer les stratégies de gestion
Katie Eloranta, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), indique que des recherches collaboratives approfondies sont actuellement menées pour rassembler les connaissances requises pour accroître l'efficacité des stratégies actuelles de gestion de la bactérie Vp au Canada et permettre aux organismes de réglementation de retracer plus précisément la source des infections.
« Nous savons qu'il existe de nombreux types et sous-types de ces bactéries le long de la côte, explique Mme Eloranta, chef de section (microbiologie et virologie) aux laboratoires de l'ACIA de Burnaby, en Colombie-Britannique. Cependant, contrairement à ce qui se passe pour d'autres agents pathogènes d'origine alimentaire comme l'E. coli ou les salmonelles, nous ne disposons toujours pas des informations génétiques détaillées requises pour remonter efficacement aux sources de contamination ou pour renforcer les stratégies lutte ».
L'investissement en génomique soutient la recherche fondamentale
Avec l'appui de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du Canada, Mme Eloranta et ses collègues de l'ACIA recueillent et analysent un large éventail de données génétiques sur la bactérie.
À l'aide du séquençage par nanopores — une technologie de séquençage à haute vitesse de troisième génération acquise à la suite d'une contribution financière de l'IRDG —, les chercheurs de l'ACIA ont établi 40 génomes de référence issus d'isolats de bactérie Vp recueillis à divers endroits le long du littoral de la Colombie-Britannique au cours des 20 dernières années. Grâce à ces génomes entièrement fermés, ils peuvent mieux comprendre la composition génétique de cette espèce diversifiée — une étape cruciale pour améliorer la gestion des risques liés au Vibrio parahaemolyticus au Canada et pour déterminer les origines de toute épidémie future qui pourrait survenir.
Comme l'explique Sam Mohajer, microbiologiste à l'ACIA, le rôle joué ici par l'IRDG est méconnu, mais très important. Avec un investissement relativement faible dans ce type de recherche fondamentale, l'IRDG peut ouvrir la porte à de nouvelles collaborations de recherche, suscitant de nouveaux investissements de la part d'autres organismes et institutions, et c'est exactement ce qui s'est passé avec ce projet.
Nouveaux investissements, nouvelles collaborations
Les génomes entièrement fermés compilés par Mme Eloranta et son équipe servent désormais à étayer des travaux réalisés en collaboration financés par Genome British Columbia (Genome BC) et le ministère de l'Agriculture de la Colombie-Britannique (en anglais seulement). Les partenaires de recherche — ACIA, BC Centre for Disease Control et Université de la Colombie-Britannique — collaboreront à la mise au point de nouveaux outils de recherche en salubrité des aliments et de gestion des épidémies provoquées par la bactérie Vp.
Santé publique et économie
Mme Eloranta, qui codirige le projet, explique que les génomes de référence constituent le cadre nécessaire pour soutenir la caractérisation des plusieurs milliers d'isolats de bactérie Vp recueillis par l'ACIA ces deux dernières décennies.
« À mesure que ces travaux progressent, nous accumulons les connaissances sur les caractéristiques des différentes souches de la bactérie, explique-t-elle. Nous déterminons quels sont les types prévalents dans les différentes zones côtières, par exemple, ainsi que des propriétés telles que la virulence et la résistance aux antimicrobiens — informations essentielles à l'élaboration d'outils génomiques pour améliorer et affiner les stratégies de détection et d'atténuation et mieux protéger la santé publique et l'industrie ».