Des chercheurs de l'IRDG franchissent une première étape vers une possible révolution dans le domaine de la sélection génétique du blé

- Saskatoon

Les résultats obtenus dans le cadre d'un projet de recherche de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG) du gouvernement du Canada vont se traduire par des retombées positives immédiates pour les sélectionneurs de blé canadiens tout en ouvrant la voie à des améliorations encore plus spectaculaires à long terme dans ce domaine.

Modulation de la méiose

Comme l'explique le chef du projet, Sateesh Kagale (Ph. D.), « La modulation de la recombinaison méiotique, qui consiste ici à augmenter le mélange du matériel génétique lors du croisement de différentes variétés de blé, pourrait permettre d'améliorer très fortement les cultures. »

À cette fin, M. Kagale et son équipe au Centre de recherche en développement des cultures et des ressources aquatiques du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) à Saskatoon ont créé un catalogue d'expressions des gènes qui interviennent lors de la méiose du blé en établissant pour la première fois la gamme de gènes exprimés aux différentes étapes de la recombinaison méiotique chez cette céréale.

Des premiers pas cruciaux

À l'Université de la Saskatchewan, Curtis Pozniak (Ph. D.), professeur et sélectionneur de blé, précise que compte tenu de la complexité du génome du blé, l'identification des gènes qui pilotent cette recombinaison est une réussite remarquable.

« Avec ce catalogue d'expressions géniques, M. Kagale et son équipe ont mené à bien une première étape essentielle qui permettra à terme la modulation méiotique chez le blé, continue M. Pozniak. Connaissant les gènes qui participent à la recombinaison, nous pouvons maintenant étudier ce que chacun de ces gènes fait et au final, trouver le moyen de contrôler l'expression de ces gènes de manière à augmenter ou à diminuer la recombinaison, suivant l'objectif souhaité du sélectionneur. »

et une percée

Selon Kevin Rozwadowski (Ph. D.), chercheur à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et spécialiste de la recombinaison génétique, « les résultats obtenus à l'issue de ces travaux de recherche entrepris dans le cadre de l'IRDG et dirigés par M. Kagale resteront une référence pour l'étude de la méiose chez les végétaux. Ce catalogue d'expressions des gènes constitue une avancée qui dépasse de très loin les résultats obtenus jusqu'à maintenant dans ce domaine. »

En fait, à travers ce que M. Rozwadowski appelle « une véritable percée pour les sélectionneurs canadiens », M. Kagale et son équipe ont d'ores et déjà développé un exemple concret de modulation méiotique — une avancée qui va servir de base aux efforts pour augmenter la diversité génétique des variétés commerciales de blé, un objectif de première nécessité.

Retour au sauvage : la délétion Ph1

Comme l'explique M. Kagale, bien que les ancêtres sauvages du blé constituent une source prometteuse de nouveaux matériels génétiques, après des siècles de domestication, le blé moderne ne reconnaît plus ses cousins sauvages, ce qui rend difficile leur croisement sans faire appel à des manipulations élaborées en laboratoire.

« On sait depuis quelque temps que lors de la recombinaison, un ou plusieurs gènes sur le locus Ph1 du génome du blé agissent comme une sorte de barrière génétique contre ce qu'il perçoit comment étant de l'ADN étranger, explique M. Kagale. Bien qu'il existe une variété de blé de printemps chinois dont le locus Ph1 a été éliminé, ce cultivar est très différent du blé que nous cultivons au Canada. Des années de rétrocroisement seraient nécessaires pour qu'il puisse être un tant soit peu utile aux programmes de sélection mis en œuvre ici. Nous avons donc voulu développer notre propre délétion de Ph1. »

L'équipe de M. Kagale a irradié 3 000 graines d'une variété canadienne élite baptisée CDC Stanley à l'aide de rayons gamma, les a fait germer, puis a séquencé l'ADN des plantes obtenues pour voir si le locus Ph1 était toujours présent. « Il est impossible de viser des points spécifiques du génome avec ces rayonnements; c'est donc vraiment un processus aléatoire, précise M. Kagale. On peut juste espérer avoir éliminé le locus Ph1 sans avoir aussi éliminé d'autres parties importantes de l'ADN dans au moins quelques graines. »

Une bénédiction pour les sélectionneurs de blé canadiens

Au bout du compte, les chercheurs ont trouvé 20 plantes qui présentent la délétion recherchée et ils les ont utilisées pour développer une lignée de CDC Stanley qui présente la délétion Ph1 et qui peut être utilisée à des fins de sélection.

« Avoir à notre disposition une variété qui présente la délétion Ph1 et qui est compatible avec le programme de sélection canadien va avoir un impact réel à court terme, se réjouit M. Rozwadowski. Les sélectionneurs vont pouvoir plus facilement introduire du matériel génétique issu d'ancêtres du blé et augmenter ainsi la diversité génétique de la céréale tout en lui conférant possiblement une résistance génétique supplémentaire contre des maladies importantes comme la brûlure de l'épi de blé. »

Il n'est donc pas surprenant que M. Kagale reçoive déjà des demandes de graines de la lignée CDC Stanley avec délétion Ph1 de la part de sélectionneurs et de généticiens qui travaillent sur le blé au Canada et à l'étranger.