Blé canadien : assurer son avenir par la sélection

- Saskatoon, Saskatchewan

Le blé est l'une des céréales les plus importantes au monde. Il ne fournit pas moins qu'un cinquième des calories absorbées quotidiennement à l'échelle de la planète. Et pour les grands pays producteurs, comme le Canada qui engrange chaque année 7 milliards de dollars en l'exportant, le blé est un important rouage de l'économie.

L'importance alimentaire et économique du blé a augmenté de manière spectaculaire au cours des cent dernières années, en grande partie grâce à des programmes de sélection qui ont permis de développer de nouvelles variétés plus résistantes et offrant un rendement plus élevé. Au Centre de recherche en développement des cultures et des ressources aquatiques du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) à Saskatoon, Wentao Zhang (Ph. D.), agent de recherches, explique qu'il faut continuer à améliorer les cultures si l'on veut satisfaire aux besoins alimentaires d'une population mondiale qui n'arrête pas de croître. Mais la mise au point de variétés plus productives n'est qu'une facette du défi à relever.

« Nous avons aussi besoin de variétés capables de prospérer dans nos conditions climatiques de plus en plus erratiques et de résister aux maladies susceptibles de dévaster des cultures entières, précise M. Zhang. La restauration d'un certain degré de diversité génétique chez le blé est un aspect important de cette stratégie. »

Le défi de la diversité

M. Zhang explique qu'après des dizaines d'années de sélection, les variétés modernes de blé sont devenues de moins en moins diversifiées sur le plan génétique. « Il en résulte que par exemple, de nombreuses variétés dépendent de la même résistance génétique à plusieurs maladies graves telles que la brûlure de l'épi de blé. Si cette résistance est prise en défaut chez une variété de blé, il y a de fortes chances pour que d'autres variétés soient également en danger. »

Bénéficiant du soutien financier accordé par le gouvernement du Canada par l'intermédiaire de l'Initiative de recherche et développement en génomique (IRDG), M. Zhang et Christine Sidebottom, agente technique au CNRC, ont offert aux sélectionneurs de blé canadiens un nouvel outil capable de soutenir leurs efforts pour relever ce défi. Il s'agit du Canadian Wheat Nested Association Mapping Population (cartographie d'association imbriquée basée sur des populations de blé canadien), ou CanNAM.

CanNAM

Photographies montrant les variations phénotypiques entre les lignées de blé incluses dans CanNAM (photographies : CNRC)

Avec CanNAM, les sélectionneurs, les chercheurs et autres professionnels ont accès à de nombreuses données génétiques concernant des milliers de souches de blé, une bibliothèque qui reflète virtuellement l'histoire complète de la sélection du blé au Canada, et bien plus encore.

Pour créer CanNAM, M. Zhang et Mme Sidebottom ont croisé une variété canadienne moderne et prospère de blé, le Stettler, avec 25 autres variétés canadiennes d'élite développées au cours des cent dernières années. Pour accroître encore plus la diversité génétique, ils ont également croisé le Stettler avec 25 variétés synthétiques de blé qui résultaient elles-mêmes de croisements de variétés modernes avec des espèces sauvages proches du blé. (Ces variétés sont qualifiées de « synthétiques » parce que le blé moderne et ses ancêtres lointains sont aujourd'hui si espacés génétiquement qu'ils ne peuvent s'hybrider sans l'aide de l'homme en laboratoire.)

Un procédé laborieux

« Ces croisements initiaux nous ont fourni 50 sous-populations, explique M. Zhang. Nous avons planté les graines issues de ces plantes et cultivé les hybrides obtenus jusqu'à leur maturité. Nous avons prélevé 100 graines de chacun de ces 50 hybrides et nous les avons cultivées jusqu'à maturité, ce qui nous a permis d'obtenir 100 plantes à partir de chacun des 50 hybrides initiaux.

Nous avons ensuite cultivé une graine de chacune de ces 5 000 plantes jusqu'à maturité, prélevé une graine sur chaque plante ainsi obtenue et ainsi de suite jusqu'à obtention d'une plante de huitième génération, ce qui nous a permis d'obtenir une bonne homogénéité de la constitution génétique des 100 lignées obtenues à partir des 50 premières sous-populations créées — 5 000 lignées au total. »

Il reste du travail à faire

La culture de plusieurs générations de milliers de plantes à partir de graines n'était qu'un début. Comme l'explique Mme Sidebottom, « à ce stade, nous avions juste beaucoup de plantes. Il nous restait toujours à trouver un moyen économique de localiser où l'information génétique qui nous intéressait se trouvait au sein de chacune des 5 000 lignées que nous avions créées. En fait, c'était là le véritable objectif du projet. »

« Nous avons choisi la méthode génomique de "séquençage par capture d'exomes", qui nous a permis d'identifier les régions porteuses d'information du génome pour chacune des 5 000 lignées, explique Mme Sidebottom. C'est-à-dire que pour chaque lignée, nous avons identifié la région de son génome où sont situés les gènes contrôlant différents traits particuliers. »

Une ressource importante

Andrew Sharpe (Ph. D.), ancien chercheur au CNRC ayant travaillé sur l'IRDG, est d'avis que CanNAM est une ressource importante aussi bien pour les sélectionneurs de blé que pour les chercheurs.

« L'outil offre une quantité importante d'informations génétiques rassemblées au même endroit et organisées de manière à ce que les sélectionneurs puissent non seulement passer en revue les données correspondantes à des milliers de lignées de blé, mais aussi déterminer assez rapidement quelles sont celles qui pourront posséder les traits recherchés », détaille M. Sharpe, aujourd'hui directeur du département de Génomique et de Bio-informatique au Global Institute for Food Security de l'Université de la Saskatchewan.

« En plus, en introduisant ces variétés synthétiques, CanNAM donne aux sélectionneurs l'accès à un catalogue d'informations génétiques très diversifiées. Les sélectionneurs intéressés par la résistance à une maladie particulière, par exemple, peuvent identifier la section du génome associée à ce trait chez une plante individuelle parmi les milliers de lignées de la population.

S'ils tombent sur quelque chose de nouveau ou de différent dans une lignée, ils peuvent passer en revue les lignées apparentées pour y trouver celles qui présenteront des profils génétiques similaires, évaluer si d'autres traits intéressants sont également portés par ces lignées et décider, à partir de cela, lesquelles ils voudront potentiellement incorporer dans leur programme de sélection. »